Depuis 2018, le volume des déchets de la ressourcerie Apivet a doublé. Un problème provenant d’une baisse de la qualité des dons, directement imputé au développement du marché de la seconde main et de la fast fashion.
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Apivet assure la collecte, le tri et la vente de vêtements d’occasion. – © Radio Campus Angers
Chemise blanche, pull rouge ou encore pantalon vert… Ce sont six tonnes de vêtements qui arrivent quotidiennement par camion dans l’entrepôt d’Apivet à Verrières-sur-Anjou. Triés, puis compactés dans une presse, les dons sont rassemblés dans des ballots multicolores empilés du sol au plafond. Entre ces tours colorées, une vingtaine de salariés s’échinent à s’occuper des dons qui arrivent par milliers chaque jour.
Dans cette ressourcerie, les dons sont soigneusement scrutés, avec une attention particulière portée sur la qualité, puisque 5 % seulement des vêtements recueillis sont envoyés dans l’un de leurs deux magasins situés au 13 avenue Montaigne et au 34 rue de Larevellière. Le reste des dons est envoyé au recyclage, à l’export, ou vendu au Relais – une filiale du groupe Emmaüs spécialisée dans la collecte et le réemploi des textiles – qui possède les bacs de collecte blancs visibles partout sur le territoire, avec lequel l’association est partenaire exclusif.
« Avant, on récupérait des vêtements en bon état, mais aujourd’hui, ils sont de plus en plus abîmés »
Même si l’association se porte bien et vient de déménager dans de nouveaux locaux, des difficultés se font ressentir. « On constate une baisse de la qualité des dons depuis 2024. Avant, on récupérait encore des vêtements en bon état, mais aujourd’hui, ils sont de plus en plus abîmés et impossibles à valoriser, on ne peut rien en faire du tout », déplore Stéphanie Riau, directrice de l’association.
Un phénomène qui prend ses racines durant les années Covid. Confinement ou encore inflation galopante liée à la guerre en Ukraine, les Français cherchent à faire des économies et se sont (re)découvert une passion pour la vente de seconde main. Les brocantes sont plus populaires que jamais. Vinted, la plateforme numéro 1 dans la vente de vêtements de seconde main, est valorisée à 5 milliards d’euros en 2024 — soit un bond de 40 % par rapport aux 3,5 milliards de 2021 — et des magasins comme Décathlon décident d’ouvrir des rayons pour les articles d’occasion.
Des dons qui coûtent chers
Pour Stéphanie Riau, la baisse de qualité et le développement du marché de la seconde main sont directement liés : « On se rend compte qu’avec les plateformes comme Vinted ou les vide-greniers, de plus en plus de personnes tentent de vendre leurs vêtements plutôt que de les donner. »
L’impact de cette baisse de qualité des dons se retrouve principalement en magasin. Comme les dons sont moins qualitatifs, ils sont automatiquement redirigés vers le recyclage ou la vente au Relais, des activités moins lucratives que le magasin.
Outre une perte économique, la quantité de vêtements totalement inutilisables a également augmenté. Tous les salariés de l’association le constatent : les dons sont de moins bonne qualité, et les « déchets » — les vêtements souillés, tachés ou encore déchirés et qui ne sont pas recyclables — sont bien plus nombreux qu’auparavant. Des volumes qui ont doublé en six ans, passant de 5 % du total récolté en 2018 à 10 % en 2024. Des dons impossibles à valoriser et qui sont même une charge financière pour l’association, qui doit payer leur enlèvement vers Biopole, le site de traitement des déchets de l’agglomération angevine.
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L’entrepôt d’Apivet se situe à Verrières-sur-Anjou. – © Radio Campus Angers
Les déchets de la fast fashion : un casse-tête pour Apivet
Cependant, cette augmentation des déchets est aussi due à un autre phénomène : les stratégies marketing sur mobile des grandes marques de la fast fashion.
Basées sur une stratégie commerciale agressive, Shein, Temu et consorts se sont infiltrées sur nos téléphones avec plus de 500 millions de téléchargements. Symbole ultime de la consommation, Shein propose plus de 8 000 nouvelles références quotidiennement. Cette activité est rendue possible grâce à une IA qui analyse insidieusement tous les contenus disponibles sur nos téléphones dès lors que les conditions générales de l’application sont acceptées. Nos réseaux sociaux et toutes nos données personnelles sont scrutés afin de créer de toutes nouvelles pièces susceptibles de nous faire craquer.
« Ces vêtements là, qui ne sont pas faits avec des matières recyclables, s’abîment trop facilement ! Alors ils vont immédiatement à la poubelle », ajoute la directrice de l’association.
Si le marché de la seconde main prive l’association de dons plus qualitatifs, la fast fashion, elle, produit des vêtements de moindre qualité. Les produits issus de ce mode de consommation finissent le plus souvent à la poubelle.
Face à des volumes qui augmentent et une qualité des dons en baisse, les associations n’ont pas dit leur dernier mot. Apivet a décidé de s’étendre afin de pouvoir augmenter sa capacité de tri pour faire face à cet afflux nouveau. « Notre but en déménageant était de trier et vendre davantage, ainsi que d’augmenter notre chiffre d’affaires. Mais avec la fast fashion, on n’est pas sûrs de pouvoir atteindre cet objectif », affirme Stéphanie Riau.
Le constat du changement dans la qualité et la quantité des dons est aussi partagé par d’autres acteurs du secteur comme la Ressourcerie des Biscottes ou Emmaüs. Ceux-ci choisissent également d’explorer d’autres pistes, comme celle de la sensibilisation, en rappelant le rôle social que les structures portent.
Article proposé par Emeric Eymet, en partenariat avec Radio Campus Angers.