Trois après-midis par semaine, à Angers, l’accueil de jour de Solidarité Femmes 49 reçoit dans un appartement aménagé des femmes victimes de violences conjugales ayant quitté leur domicile.

Solidarité Femmes 49 propose un accompagnement global des femmes victimes de violences. – © Image d’illustration – Adobe Stock
Elle sonne, toque, et ferme à clé derrière elle. « C’est le code », explique Lucie Bernier, animatrice locale de l’association. À l’accueil de jour de Solidarité Femmes 49, l’ambiance est joyeuse et les femmes souriantes. Certaines cuisinent, d’autres jouent aux dominos.
Sans autre solution de logement, elles sont pour la plupart logées dans des Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) de l’association, présents à Saumur, Cholet et Angers. Ces derniers disposent de 62 places réparties au sein de 17 appartements.
Faute de disponibilité dans ces logements d’urgence, des chambres d’hôtels, moins sécurisées, sont réquisitionnées. Cependant, leurs adresses demeurent difficiles à garder secrètes. En 2023, 195 femmes et 172 enfants y ont été hébergés.
L’accueil de jour est particulièrement utile pour celles qui logent à l’hôtel. Pendant qu’une lessive tourne, elles cuisinent, s’équipent dans les deux pièces remplies de vêtements et chaussures triés par les bénévoles.
« Le lien social est primordial pour se reconstruire »
Les contrats de séjour interdisent les invités. « Or, le lien social est primordial pour se reconstruire, explique Lucie Bernier. Cet espace est donc important. Il s’agit d’un lieu de sororité ».
Leurs échanges et regards traduisent la confiance qui les unit. Le temps d’un après-midi, elles oublient ensemble. « Il n’y a qu’ici qu’on joue, qu’on rit », explique Naila*. Elles viennent dès qu’elles le peuvent avec leurs enfants. Leurs vécus se rejoignent, elles se comprennent.
Parmi elles, Dana* ne se souvient pas bien de sa première venue : « Je planais. C’est un changement radical ». À ses côtés, Solange*, également habituée des lieux, raconte : « C’est ainsi que je le dis désormais, je suis partie de ma vie d’avant. Je ne savais pas que ce n’était pas normal, je me remettais moi en question. Je me disais que je n’arriverais jamais à partir. »
Naila* passait ses journées et ses nuits dehors et ne rentrait chez elle que pour ses filles. Elle ne s’alimentait plus et, à bout de forces, s’est évanouie en franchissant les portes de l’association. « On cherchait une famille, on l’a trouvée », déclare Naila.
D’abord, ces femmes ont observé, puis au fur et à mesure de leurs venues, elles ont pris part aux conversations et activités. Ici, les bénéficiaires de l’association réalisent ensemble ce qu’elles ont traversé et condamnent ces violences. Elles expliquent se reconstruire en tant que « femmes libres ».
« Je suis libre et je suis forte. Je suis une femme aujourd’hui »
Alba* a quitté l’Italie pour s’installer à Angers. Isolée, elle ne parle pas français et ne connaît pas la ville. Alba n’est plus aujourd’hui la femme discrète et silencieuse qu’elle était. « Ma mère ne parlait pas, je n’ai appris que le silence, raconte-t-elle, les larmes aux yeux. Je vis, je pense, aujourd’hui c’est possible. Désormais, je suis libre et je suis forte. Je suis une femme aujourd’hui ». Maryse, bénévole, ajoute : « Maintenant, tout est possible. »
L’association souhaite déménager dans des locaux plus grands. « On se sent un peu à l’étroit », confie Océane, bénévole. Le projet est aussi de rapprocher les bureaux des bénévoles de l’accueil de jour afin de proposer une plus grande amplitude horaire.
Selon le rapport d’activité de l’association, en 2023, l’accueil de jour a enregistré plus de 600 passages de femmes contre un peu plus de 500 en 2022, soit une hausse de 17 %.
Cette situation d’hébergement est temporaire. L’association orientent ces femmes pour qu’elles retrouvent à terme un logement autonome. Certaines retournent néanmoins chaque année au domicile conjugal.
*Pour des raisons de sécurité, les prénoms des femmes présentes ont été changés
Article proposé par Lisa Goujon, en partenariat avec Radio Campus Angers.