Le Maine-et-Loire n’est pas épargné par les nombreuses difficultés rencontrées par les professionnels de santé. Dans le département, des médecins généralistes s’organisent pour tenter de trouver des solutions et ainsi améliorer la prise en charge des patients.
Entre épuisement et inquiétude pour l’avenir du système de santé, les médecins généralistes, qui doivent s’occuper de patients de plus en plus nombreux, tirent la sonnette d’alarme. Dans le Maine-et-Loire, certains font le choix de se déconventionner afin de retrouver plus de liberté dans la prise en charge de leurs patients.
Le docteur Olivier Leroy est animateur de la Coordination des médecins libres et indépendants du Maine-et-Loire (Comeli) qui rassemble 429 médecins généralistes. « Nous souffrons déjà d’une médecine hospitalière qui est mise à mal. La médecine ambulatoire asphyxiée peu à peu. Si les bonnes mesures ne sont pas prises, les déserts médicaux vont s’aggraver, la problématique de la qualité des soins va s’accentuer, et les difficultés d’accès aux soins vont être de plus en plus importantes », souligne-t-il.
« Une financiarisation de la médecine »
La Comeli a mené de nombreuses actions pour sensibiliser les parlementaires et les institutions aux problématiques rencontrées par la profession. « Les médecins sont en plein doute aujourd’hui, inquiets de la financiarisation de la santé et de la perte d’attractivité de leur profession. Nous sommes des soignants, mais nous avons de plus en plus de responsabilités administratives qui nous détachent du soin. Nous devons diminuer le nombre d’arrêts de travail, limiter nos prescriptions, même si elles sont justifiées pour notre patient, car nous avons des quotas imposés par la CPAM. Certains confrères se disent qu’ils ne peuvent pas cautionner cela et envisagent donc de cesser leur activité », déplore le docteur Olivier Leroy.
Avec la crise sanitaire, des moyens supplémentaires avaient été promis au secteur de la santé dans son ensemble. Pourtant, pour le Dr Olivier Leroy, la situation s’est aggravée ces dernières années. « Le Covid a mis en lumière nos difficultés. Au lieu d’accroître le nombre de lits d’hospitalisation, il a été diminué. Tous les soignants attendaient une prise en compte de leurs besoins pour mieux exercer après cette période. Au final, ils n’ont pas pris en considération les attentes du terrain ni pris les enseignements des erreurs passées. Désormais, ça craque partout par perte de sens, faute de moyens humains et financiers, faute de considération ».
« Un plan Marshall de la santé »
Que faudrait-il faire pour améliorer la situation des médecins généralistes ? Selon le Dr Olivier Leroy, il faut désormais prendre le taureau par les cornes. « Il faudrait un vrai plan Marshall de la santé. Ce n’est pas que le monde libéral qui souffre. C’est aussi le monde hospitalier et l’univers médico-social dans son ensemble. Il y a une telle dégradation de la prise en charge de nos patients que le risque est d’arriver à des drames. S’il n’y a pas de vraies mesures et que tout le monde ne se met pas autour de la table pour repenser le système de santé, nous allons tout droit vers un système à l’anglo-saxonne. Ceux qui connaissent le système anglais sont prêts à faire n’importe quoi pour essayer de garder de la cohérence et de l’humanité dans le soin. Aujourd’hui 90 % des Anglais sont mécontents de leur système de santé. Est-ce cela que nous voulons pour la France ? ».
Le docteur, installé à Angers, évoque également la possibilité d’avoir une liberté tarifaire afin de permettre d’embaucher davantage de salariés qui aideraient les médecins sur la partie administrative. « Les complémentaires santé qui font des bénéfices, au lieu d’investir dans des vignobles ou des châteaux, devraient les réinjecter dans la santé. Sans investissement massif on va droit dans le mur ».
Le choix du déconventionnement
Pour alerter les pouvoirs publics, les médecins rassemblés au sein de la Comeli avaient annoncé leur intention de se déconventionner à partir du 1er mai 2024. « C’était un moyen de montrer que notre système conventionnel n’est absolument pas cohérent et équilibré. Nous ne sommes pas contre la convention, mais il faut revoir le contrat de partenariat des médecins libéraux avec l’Assurance maladie. Nous voulions faire un électrochoc. Nous estimons que l’Assurance maladie n’a pas à nous donner des primes en plus de nos consultations pour moins prescrire de médicaments ou d’arrêts de travail. Nous devons rester libres et indépendants dans nos prescriptions pour le bien de nos patients. Aujourd’hui, nous sommes soumis à des rémunérations sur des objectifs dont certains œuvrent au détriment du patient », raconte le Dr Olivier Leroy.
Pour ne pas pénaliser leurs patients, les médecins ont finalement renoncé à cette action. Cependant, dans le Maine-et-Loire, des médecins ont fait le choix de se déconventionner, entraînant notamment des problèmes de remboursement pour les patients. « Il y a actuellement entre 15 et 20 médecins qui ont décidé de se déconventionner dans le département », estime le Dr Olivier Leroy.
Contrairement à des idées reçues, les médecins qui font ce choix ne le feraient pas pour des raisons financières. « Il faut savoir que les médecins qui décident de se déconventionner perdent de l’argent. Ceux qui veulent faire du profit vont enchaîner les patients sans prendre leur temps. Lorsqu’un médecin est conventionné, l’Assurance maladie prend en charge une partie des cotisations sociales du médecin. Pour un médecin déconventionné ce n’est plus le cas. Il doit donc forcément compenser par une hausse de ses honoraires. Les médecins ne supportent tout simplement plus que l’Assurance maladie joue le rôle d’un pseudo employeur. Ce sont des médecins qui veulent prendre le temps et faire des consultations de qualité. . Il est par contre anormal que la loi pénalise les patients qui consultent ces médecins déconventionnés en ne leur remboursant pas leurs consultations. Il faut que la loi change pour offrir à chaque patient le respect du droit commun, universel à la santé », développe l’animateur de la Coordination des médecins libres et indépendants du Maine-et-Loire.
Les jeunes médecins se questionnent
Luna Potiron, interne en médecine générale à Angers, a déjà fait de nombreux stages et remplacements au sein de cabinets médicaux ou aux urgences. Si elle envisage de s’installer à son compte après sa thèse assez rapidement, la jeune femme de 28 ans se questionne sur l’avenir du métier qu’elle va exercer. « Il y a une discordance entre ce qu’on nous demande, avec une cadence toujours plus élevée et les besoins des patients. Sur le terrain, je remarque que plus le temps passe et plus les problématiques sont complexes. Ce n’est pas possible de faire un travail de prévention auprès des patients en seulement dix minutes. On nous pousse à faire plus vite pour au final faire moins bien », avance Luna.
Comme de nombreux médecins, l’interne en médecine estime que les professionnels de santé passent beaucoup trop de temps sur le volet administratif. « Il faut libérer du temps médical. Il y a une lourdeur administrative qui prend du temps même lors des consultations. Certains certificats, notamment pour des sports sans compétition, ou les arrêts maladie pour une journée, ne nécessitent pas forcément de voir un médecin. Il y a un sujet avec l’auto-déclaration qui pourrait faire gagner du temps à tout le monde ».
Par Sylvain Réault.