Karine Engel, Adjointe au Maire d’Angers chargée du commerce, de l’artisanat et des professions libérales revient, entre autres sujets, sur l’état du commerce dans le centre-ville d’Angers.
Le gouvernement va lancer un plan de plus de cinq milliards d’euros sur cinq ans pour la revitalisation des centres-villes. Angers va-t-elle en profiter ?
Karine Engel : « Non. En effet, selon les dernières déclarations, le plan est prévu pour les villes de moins de 100 000 habitants (Angers compte 151 500 habitants N.D.L.R.). »
Ce plan comprend notamment le retour des familles dans les centres-villes, une taxe sur les commerces vacants et des baux commerciaux de courte durée. La Ville d’Angers a-t-elle déjà travaillé sur ces pistes de réflexion ?
« Nous avons travaillé sur ces pistes avec quelques réponses apportées d’ores et déjà. Le retour des familles se jouent par le maintien des établissements scolaires, c’est le cas avec les établissements publics mais aussi privés, le renouvellement urbain et les programmes immobilier neufs qui comprennent des T4 ou T5.
Je ne suis pas philosophiquement pour la taxe sur les commerces vacants. La vacance n’est pas le sujet prégnant à Angers et taxer peut pousser à accepter n’importe quelle installation. Faire le choix de la quantité au détriment de la qualité n’est pas notre vision. Enfin, les taxes sont déjà assez nombreuses pour les commerces sédentaires pour ne pas en ajouter une supplémentaire. En revanche, les baux commerciaux précaires existent. »
Le taux de vacance commerciale à Angers est de 7,4 %. Certes inférieur à la moyenne nationale mais bien au-dessus de centre-ville comme Nantes. Comment la ville compte-t-elle agir contre ce phénomène ?
« Nous avons une cellule de prospection active auprès des enseignes. Nous sommes présents sur différents salons pour parler et faire parler d’Angers et des partenariats importants sont établis avec les acteurs du territoire : agent immobilier pour la connaissance des locaux vides, les chambres consulaires, des services de la mairie et d’ALDEV (Agence de développement économique d’Angers Loire Métropole) en particulier. »
La ville a mis en place une cellule pour lutter contre les friches commerciales, comment celle-ci fonctionne-t-elle ? De plus en plus de villes ont recruté un manager de centre-ville, est-ce le cas à Angers ?
« Nous n’avons pas de manager à Angers mais une équipe composée de deux personnes qui m’assistent au sein de la cellule de prospection active. »
Le salaire moyen des angevins est inférieur à la moyenne nationale. Ce manque de pouvoir d’achat peut-il être un frein pour la redynamisation du centre-ville ?
« C’est un critère sur lequel, au service commerce du moins, nous n’avons aucun levier possible. Je me concentre sur les lignes que je peux faire bouger : l’attractivité, le flux piéton, la variété des commerces. Le pouvoir d’achat est toutefois préservé par le fait que nous n’avons pas augmenté les impôts. C’était un engagement, nous le tenons. »
Quel rôle le numérique doit jouer aujourd’hui dans la redynamisation du centre-ville ?
« Il doit jouer un rôle majeur car le concurrent n’est plus au bout de la rue mais dans la poche du client. Encore une fois, la ville d’Angers ne doit pas agir seule mais bien avec l’agglomération toute entière. C’est le rôle de la ville d’accélérer et de faciliter la mutation numérique des commerces indépendants. Pour répondre à cet enjeux majeur les partenaires locaux (représentants des commerçants, les chambres consulaires, la Ville, ALDEV) se sont mis en ordre de marche. Pour assurer une lisibilité et une approche globale, il a été défini que la CCI puisse être l’interlocuteur des acteurs du commerce sur ce thème. »
Malgré de nombreux locaux disponibles dans le centre-ville, certains commerçants souhaitant s’y implanter rencontrent des difficultés à trouver un bien. Quels sont les leviers que la municipalité peut utiliser ?
«La mise en relation est essentielle. Trouver le bon commerçant pour son local est gage de pérennité pour le propriétaire, d’autres propriétaires privilégient le bail précaire. Nos leviers sont humains : l’accompagnement, la facilitation des aménagements extérieurs… »
De nombreux maires ont décidé de racheter certains emplacements pour décider du type de commerce qui s’installera dans leur ville. Est-ce une politique que la ville souhaite mener ?
« La municipalité ne vient pallier un manque d’activité privée seulement si celle-ci vient à faiblir ou si nous sommes dans un cas particulier. Par exemple, dans le cadre du renouvellement urbain de Belle-Beille et de Monplaisir, la politique de rachat est un outil nécessaire pour mener le renouveau. »
Récemment, l’agglomération a décidé de geler les terrains autour de l’Atoll pour éviter une concurrence supplémentaire. De son côté, la Commission nationale d’aménagement commercial n’a pas donné son feu vert au projet de développement de la zone commerciale du Moulin Marcille aux Ponts-de-Cé. N’est-ce pas finalement une bonne nouvelle pour le centre-ville ?
« Dans les projets en périphérie, la zone de Moulin Marcille a sa place et je ne vois pas dans les activités prévues sur le sud de la ville une véritable concurrence, nocive pour notre équilibre. Un développement au nord et au sud pouvait préserver l’équilibre commerciale de notre agglomération. Le développement de cette zone était prévue, modérée, équilibrée et surtout anticipée par toute la profession, particulièrement le secteur de la librairie, papeterie. Je regrette la décision de la CNAC qui fait reculer l’arrivée de grandes enseignes dans l’agglomération d’Angers. »
Trois lieux stratégiques dans l’hyper-centre d’Angers sont vides ou en difficultés : l’ancien Cinéma « Les Variétés » boulevard Foch, l’emplacement anciennement occupé par l’enseigne « Tati » place du Ralliement et le centre commercial Fleur d’Eau qui n’a jamais réussi à trouver son public. Quel avenir pour ces différents lieux ?
« Des avenirs très différents mais un avenir à n’en pas douter ! Nous avons beaucoup de propositions pour l’emplacement des Variétés. Il n’y aura plus de cinéma, mais d’autres opportunités se présentent. Tati du groupe Eram est en cours de transition et va accueillir l’enseigne Bershka. Les travaux vont commencer d’ici quelques jours (Bershka va remplacer Tati place du Ralliement N.D.L.R.). De son côté, Fleur d’Eau voit tous les jours de nouvelles enseignes s’installer : Lézard Créatif, Fitness Park, It Doctor et bientôt une enseigne adorée des jeunes viendra s’installer. Je n’appelle pas ça difficile comme avenir ! »
La Ville d’Angers souffre d’un déficit d’image. Quelle stratégie pouvez-vous mettre en place pour sponsoriser les initiatives locales d’artisans ou de créateurs, souhaitant ouvrir ou vendre dans des commerces angevins ?
« Il s’agit d’une stratégie globale : de prospection, de présence à l’international ou au national. Une présence globale pour notre notoriété, cela passe également par une équipe de football, l’organisation du WEF, un French Lab, une politique culturelle… C’est un travail qui met du temps pour infuser les esprits. Une antenne d’Angers installée dans la tour Montparnasse avec son pendant de l’autre côté de la ligne SNCF est un outil intéressant par exemple (Inauguration de l’espace « A 4.0 » à Montparnasse). »
Nouvelle ligne de tramway, réaménagement des berges de Maine, développement du quartier Saint-Serge, comment ces travaux mis en place par l’actuelle municipalité peut-elle impacter l’activité commerciale du centre-ville ?
« Préparer l’avenir est notre obsession. Si nous n’anticipons pas les besoins de demain, nous ne serons pas prêts à être une ville qui compte dans le paysage français. Je vois deux temps dans cette préparation. La phase préparatoire, difficile sans aucun doute, et la phase de développement qui viendra à l’issue et qui impactera très positivement l’activité commerciale et économique de notre ville : flux de piétons, accroissement de notre population, amélioration du cadre de vie, attractivité confortée…
L’année 2018 va être difficile, il ne faut pas se mentir. Le soutien aux commerces est actif : commission d’indemnisation, rencontre avec tous les organismes bancaires pour accompagner les trésoreries des commerçants impactées, suivi au mois le mois pour les commerces directement concernés, concertation et réunion sur le terrain pour un accompagnement au cas par cas. Nous mettons en place également une politique sur les parkings (amélioration de leur signalement et de leur aménagement), l’application sur les mobiles pour l’indication des travaux, de l’entretien de l’espace public via l’application mairie 5/5, et une communication accrue pour soutenir le commerce de proximité. »