Alors qu’il vient tout juste de sortir son 3ème album et qu’il démarre sa tournée, le rappeur originaire d’Angers, Georgio, sera en concert au Chabada le samedi 9 mars.
XX5, c’est son âge et le nom de son nouvel opus. Album conséquent car composé de 18 titres d’un rap nerveux, poétique et engagé. Ce dernier arrive un peu comme un bilan et une synthèse de ces deux précédents albums, mais avec quelque chose en plus : 25 ans.
Tes plus vieux morceaux de « Une Nuit Blanche, des Idées Noires » datent déjà de 10 ans, comment vis-tu ta 25ème année ?
Je ne dis pas que c’est un âge de raison, j’ai réellement vécu cette année comme une année un peu transitoire où je me suis senti grandir. Je suis beaucoup plus en adéquation avec moi-même sur qui j’ai envie de devenir, qui je suis et ce que je fais. A côté de ça, ma vie a quand même beaucoup changé ces derniers temps.
Sur la pochette de XX5, tu enterres ta jeunesse en image et avec l’Épitaphe « Ma jeunesse est morte mais la suite n’en sera que plus belle ». Cette phrase triste mais pleine d’espoir est-elle un résumé de ton album et de là où tu en es aujourd’hui ?
Oui, ça résume bien ma mélancolie et en même temps plus je vieillis et plus je réalise mes rêves d’enfant. C’est sûr que j’ai perdu de l’innocence ces dernières années. Je prends un peu plus conscience du pouvoir des mots.
Comment tu définirais ton style de rap ? Peut-on dire que c’est un rap « hors milieu » ?
C’est sûr qu’il a un côté hybride, et puis il n’y a qu’à voir comment je me situe par rapport au rap français. Je fais mes trucs de mon côté, je fais ma musique… Certes j’ai fait quelques featuring, mais j’en fait quand même très peu, que ça soit sur mes albums ou sur les projets des autres. Je suis dans mon petit monde, je fais ma musique et j’adore ça.
Toujours pas d’auto-tune ? Peut-être un peu sur « Seul », non ?
Oui sur « Seul » un petit peu, sur « Prisonnier » sur la 2ème partie et sur le refrain de « J’en sais rien », mais je l’utilise surtout pour gommer mes défauts, pas pour créer un style typé « auto-tune ».
Ce troisième album est très mélodique, moderne, avec des prods plus électros, notamment avec Woodkid, Vladimir Cauchemar, Tom Fire… C’était une volonté de ta part d’injecter des sonorités différentes ?
Oui carrément ! « Héra » (deuxième album NDRL) avait un côté très analogique, ce qui était déjà une volonté. J’avais envie de revenir avec des bpm (battement par minute NDLR) un peu plus modernes. Je souhaitais vraiment rapper plus que sur « Héra » tout en gardant des formats qui semblent très « chansons ». J’avais envie d’explorer d’autres choses car ça ne m’intéresse pas de faire deux fois le même album.
Tu dirais que cet album est également plus accessible, notamment avec des morceaux comme « Monnaie » ou « Miroir » ?
Oui tout à fait, mais en même temps ils sont blindés des codes du rap, surtout « Miroir ». Il est vrai que « Monnaie » a un côté un peu différent, plus facile. C’est un morceau que j’aime beaucoup mais que je n’ai pas voulu mettre en avant. J’ai préféré que soit un morceau que les gens découvrent s’ils écoutent l’album dans son entièreté.
A l’écoute de cet opus, on pourrait s’attendre à ce que « Monnaie » soit un des fers de lance de l’album…
Tout à fait. C’est pour ça que je suis revenu avec « J’en sais rien », pour brusquer. C’était mon envie que de ne pas tomber dans une caricature de moi-même.
Qu’est-ce qui t’inspire ? Est-ce que la situation dans laquelle se trouve la France aujourd’hui te donne envie de prendre la plume ?
Oui, après quand j’écris c’est basé essentiellement sur l’humain. C’est-à-dire que je vais plus prendre la plume quand je vois, par exemple, une personne qui a honte au supermarché. Ressentir sa honte ça va plus m’inspirer que les grandes révoltes. Forcément, ce qu’il se passe en France donne envie de se bouger, d’aider les autres et de sortir de sa condition.
Un rappeur doit-il forcément être engagé ?
Aujourd’hui, vu qu’il est difficile de croire en ses projets, de s’en sortir… Je pense que du moment où on se lance à fond dans sa musique et on expose au monde son art, c’est déjà un engagement fort. Mais ça ne s’adresse pas qu’au rap mais à toute forme artistique.
Concernant les gilets jaunes, dans une interview pour CSTAR, tu avais dit que tu préférais que des monuments historiques soient souillés plutôt que des personnes. Quel est ton regard aujourd’hui sur le mouvement ?
Je trouve ça triste car c’est un mouvement assez violent que ça soit envers les manifestants et même parfois, dans des cas isolés, envers la police… Ce qui me rend triste, c’est aussi de voir un mouvement qui mobilise autant de personnes, qui soit si dur, et que en même temps il ne se passe rien. Du point de vue de la politique, personne ne bouge. Macron, il n’y a pas eu de réels changements dans ce qu’il propose et il y a beaucoup d’indifférence.
Dans cet album tu as quelques featuring, avec Isha, Victor Solf et également Vald. Comment ces collaborations se sont déroulées ?
Isha est un artiste que j’aime beaucoup depuis quelques années. On est dans un rap qui se ressemble, c’est pour ça qu’on aime autant le travail de l’autre et qu’on a eu envie de travailler ensemble.
Victor Solf, je l’ai rencontré grâce à un ami. Il m’a dit : « Il faut que tu le rencontres, vous êtes un peu pareil, vous aimez les mêmes choses… ». On a organisé une session en studio avec Victor afin de voir ce qu’il en ressortait. On a fait un premier morceau, que j’aimais bien, mais que je n’ai finalement pas gardé car il n’allait pas dans l’histoire de l’album. En voiture sur la route du retour, je lui parlais de mon texte et là il m’a dit qu’il avait une musique qui pourrait me parler pour mon morceau. C’était une première version de « 31 janvier ». Au final, on a fait le morceau tous les deux, c’était hyper instinctif, il n’y a pas vraiment eu de calcul.
Avec Vald, on se connaît depuis l’âge de 18 ans. Sur internet, il y a au moins six ou sept featurings de nous deux. Depuis 2014, on se disait qu’on devait refaire un morceau ensemble, mais on ne trouvait pas forcement le temps, chacun était occupé sur ses projets et nous avons aussi un rap qui est assez éloigné dans la forme. Il fallait trouver le bon morceau. Et on est tous les deux hyper contents d’avoir fait ce nouveau morceau (Barbara NDLR).
Tu es ami avec Édouard Louis (auteur de En finir avec Eddy Bellegueule, Histoire de la violence et Qui a tué mon père, aux Editions du Seuil NDRL). Quels sont vos points communs ?
Je pense que ce qui nous rapproche c’est avant tout l’écriture, l’âge aussi forcément. On une écriture assez politisée finalement, lui c’est d’autant plus remarquable que moi, on parle des nôtres, des gens qui nous entourent, du monde que l’on a connu.
Tu es amateur de poésies, quel est ton dernier coup de cœur ?
C’est un livre qui a quelques années déjà mais qui m’a fait marrer. Il est de Brigitte Fontaine et s’appelle « Les hommes préfèrent les hommes ». Ce sont plein de petites histoires très courtes, un peu barrées, parfois un peu poétiques…
Et le dernier son que tu as aimé ?
Un morceau qui s’appelle « HIGH » du groupe québécois Dead Obies.
Que te reste-t-il de ton enfance en Anjou ?
Il me reste beaucoup de famille car toute la famille du côté de mon père est d’Angers. J’ai des tas de souvenirs… Je connais très bien cette ville. J’y ai quelques amis mais beaucoup sont partis sur Nantes ou Paris.
Dans les médias, tu es souriant et calme mais il paraît qu’en concert tu es nettement moins sage. Ça veut dire que tu vas mettre le feu au Chababa ?
Disons que lorsque je suis à la télévision en interview, je suis assez sage, j’essaye de penser mes mots. Après, en concert je me laisse transcendé par ma musique, par le public. J’adore la culture punk et je crois que ça se ressent dans mes concerts.
Samedi 9 mars à 20h30
Première partie par 7 Jaws
Le Chabada
56 boulevard du Doyenné
De 20 à 25 euros
Réservations sur le site du Chabada ou dans les points de vente habituels.