Fabrice Eboué : « La construction d’un spectacle reste le moment le plus excitant »
Culture

Fabrice Eboué : « La construction d’un spectacle reste le moment le plus excitant »

Fabrice Eboué est actuellement en tournée à travers la France pour son spectacle « Plus rien à perdre ». L’humoriste sera de passage au Théâtre Chanzy le vendredi 29 novembre prochain. Interview.

Fabrice Éboué

Photo : John Waxxx

Votre spectacle s’appelle « Plus rien à perdre ». C’est un titre un peu définitif… Lorsqu’on a plus rien à perdre, généralement c’est qu’il n’y a plus grand chose derrière. Pourquoi avoir choisi ce titre ?

Fabrice Eboué : « Il n’y a pas d’idée de dépression ou de bout du rouleau (rires). C’est simplement que cela fait 20 ans que je monte sur scène et il y a plutôt une idée de liberté à travers ce titre. C’est une façon de dire que j’ai eu la chance de réaliser mes rêves, de faire de très belles salles avec mes spectacles, de faire de très beaux chiffres avec mes films. Mes rêves d’artistes sont quelque part un peu réalisés. Ce spectacle me semble plus libre, moins obsessionnel certainement, avec plus de légèreté, moins de pression et je pense que le public le ressent. »

A quel moment avez-vous commencé à écrire ce spectacle ?

« Ce spectacle touche à sa fin, car ça va faire tout juste deux ans que je le joue. Il a été rodé pendant un moment, dans une salle de 30 places puis dans des salles de province. C’est là que le spectacle né, c’est le moment le plus excitant, le plus stressant aussi car on revient un peu à zéro. On ne sait jamais réellement où on va et ce que ça va donner par la suite et puis le jour où on se dit qu’on a déjà une heure, ça commence à ressembler à quelque chose. C’est là où on est le plus fier. Après, il y a évidemment le plaisir de le jouer, mais la construction reste le moment le plus excitant. »

Quand avez-vous décidé de devenir comique ?

« Je n’ai jamais pris la décision de devenir comique. Je l’ai toujours fait en déconnant. Pour moi, il n’y avait pas d’objectif. Je sais que les humoristes aujourd’hui ont déjà une carrière très anticipée dans leur tête. Moi, c’était juste l’envie de m’amuser, de rester un enfant… Au départ, j’ai commencé par beaucoup de vidéos. C’était pas Youtube à l’époque, c’était avec un caméscope pour montrer ensuite des cassettes VHS aux potes et à la famille. A cette époque là on était bercé par « Les Inconnus » alors on essayait de faire des sketchs, des parodies… J’ai commencé à faire des petites scènes et puis j’ai mis le doigt dedans et un jour j’ai compris que j’étais devenu intermittent et que c’était mon métier. Ça s’est jamais fait par calcul. Quand je remplissais ma petite salle de 100 places c’était déjà fantastique. »

Vous avez commencé en même temps que Florence Foresti qui jouait à une époque de l’autre côté de la rue et elle vous envoyait des spectateurs…

« Florence a connu le même parcours que moi avec les petites salles vides au départ. Il y a eu les émissions de Laurent Ruquier qui ont fait qu’elle est très vite devenue une grande vedette. Elle était encore au Théâtre du Point-Virgule et moi je jouais au Théâtre Les Blancs Manteaux juste en face. C’est vrai que ce qui était très amusant c’est que Florence faisant le plein sur plusieurs semaines, alors lorsque des gens venaient, on leur disait qu’il n’y avait plus du tout de place et on leur proposait alors d’aller voir en face au Blancs Manteaux et c’était mon spectacle. Certains samedis j’arrivais à avoir pas mal de monde car j’avais tous les refusés de chez Florence. »

A vos débuts, vous avez également été « sniper » chez Fogiel. Que vous reste-t-il de cette période ?

« Ça m’a donné très rapidement une certaine agilité aux médias. J’y suis allé très naïvement en me disant que ça me ferait peut-être connaître pour mes spectacles, mais je n’avais pas idée que je rentrais déjà dans un très gros prime-time à l’époque qui faisait presque 2 millions de téléspectateurs. Ça m’a beaucoup appris et m’a permis d’être détendu lorsque je vais dans les médias, car être en sniper, en direct, sans être à la table, c’était pas la position la plus facile. »

Vous tapez sur les communautés, les végans, les religions… L’actualité pour vous, c’est du pain bénit ?

« J’essaie dans mes spectacles de traiter des sujets de société plus que de l »actualité. Je traite du rapport entre les communautés car c’est un sujet qui revient en permanence. Je traite de la façon de se nourrir, du rapport à l’environnement car ça revient aussi en permanence. Je traite du complotisme ou des réseaux sociaux, car ce sont des sujets dans lesquels on baigne depuis quelques années. Après, je saupoudre de sujets comme Dupont de Ligonnès, le décès de Jacques Chirac, les histoires de Johnny Halliday… La base du spectacle, ce sont quand même des sujets qui vont rester pendant un moment. »

Vous aimez quand même beaucoup les faits divers…

« Mais la planète raffole des faits divers ! Quand vous voyez aujourd’hui que Éric Dupond-Moretti fait un spectacle, vous voyez les plaidoiries de Richard Berry ou encore le nombre d’émissions sur les tueurs en série, c’est que ça fait recette. Il y a quelque chose qui fascine les gens là-dedans. Je fais partie de tous ces gens-là. C’est ce que la nature humaine a de plus noir. Ça dit aussi des choses sur notre société. »

Vous parlez des différentes affaires qui ont bousculé le paysage médiatique français. Quel regard avez-vous sur les chaînes d’infos en continu avec les experts, les commentateurs…

« Ils sont fantastiques ! J’ai fait effectivement une petite vidéo sur Dupont de Ligonnès en coup de gueule le lendemain pour dire « On nous dit qu’on l’a capturé, on a appelé tous nos potes, on a fait un apéro entre voisins pour fêter la chose et puis le lendemain on nous dit que c’est faux ». Ça illustre à quel point ce que sont aujourd’hui les chaînes d’infos. Le vendredi soir ils avaient écrit « scoop, on a arrêté Dupont de Ligonnès » et le lendemain ils ne se dégonflent pas, ils ne s’excusent pas, c’est « scoop, ce n’était pas Dupont de Ligonnès » et donc c’est eux qui ont encore une fois le scoop. C’est fantastique, avec des experts en veux-tu en voilà qui se succèdent sur la chaîne. Certains jubilaient parce que c’était l’apogée de leur carrière professionnelle. Ça a montré les limites et parfois le côté absurde de ces chaînes-là. C’est la concurrence à l’info avant de la vérifier et d’être sûr. Ça montre ce que sont devenues les infos aujourd’hui avec plus une envie de faire leur buzz que d’amener un sujet sérieux ».

Quel est votre regard sur CopyComic ? Beaucoup d’humoristes sont touchés aujourd’hui…

« Ils sont touchés ou il y ont touché, je ne sais pas (rires). Comme je l’ai dit tout à l’heure, le plaisir le plus excitant dans ce métier c’est lorsqu’on arrive dans une salle et qu’on test du nouveau matériel. C’est là où on se challenge réellement, c’est là on se demande si on a trouvé le bon axe… Il y a une fierté à trouver la bonne vanne. Maintenant, avec l’inflation du comique et le nombre d’humoristes qu’il y a, il y aura toujours des sujets en commun et même parfois des vannes en commun. Après, lorsqu’on voit des mimiques qui deviennent les mêmes et que généralement les mêmes comiques sont touchés, il n’y a plus trop de doutes à avoir. Après ça les regarde. Peut-être que eux préfèrent avoir des salles toujours plus grandes, toujours plus d’argent, que le plaisir de construire ou d’amener des choses. »

On a l’impression qu’il y a beaucoup plus de comiques qu’auparavant…

« Oui, c’est pour ça qu’il y a une partie du spectacle où je demande si je ne suis pas un vieux con car tout va très vite et ils ont des outils que nous n’avions pas à l’époque. Quand je faisais des vidéos avec mon caméscope pour ma famille et mes amis, ils peuvent aujourd’hui toucher des millions de gens très rapidement avec Youtube et compagnie… C’est une autre génération mais c’est aussi une autre façon de s’exprimer. Je comprends que beaucoup d’humoristes soient intéressés par cette voie là. »

Est-ce que ça ne vous a pas un peu embêté que Blanche Gardin est un Molière et pas vous ?

« (Rires) Non absolument pas dans le sens où on est très proche. On a fait l’aventure du « Jamel Comedy Club » ensemble et on a écrit la série « Inside Jamel ». On se connaît très bien. Elle a joué un petit rôle dans « Case Départ » aussi. C’est toujours plus sympa quand c’est quelqu’un que vous connaissez qui vous coiffe au poteau. »

Quels sont vos prochains projets après cette tournée ?

« J’espère pouvoir tourner mon film cet été. J’ai mis deux scénarios à la poubelle et je crois que maintenant je tiens le bon. »

Peut-on avoir un teasing ?

« Je trouve que toutes ces histoires sur le rapport à la nourriture, ces nouvelles façons de s’alimenter parlent beaucoup de notre société moderne. Je vais raconter l’histoire d’un couple de boucher dont la boucherie est saccagée par des végans activistes. Ils péteront un plomb suite à ça. »

Un mot pour les lecteurs d’Angers.Villactu.fr pour leur donner envie de venir vous voir ?

« Si vous avez envie pendant 1h40 de mettre de côté toutes les tensions qu’on peut avoir actuellement via les réseaux sociaux où autres médias. Si vous avez envie de rire librement de tout et de prendre un peu de recul et de légèreté, je crois que c’est le bon endroit où on peut être le 29 sur Angers. »

 

Vendredi 29 novembre à 20h30
Théâtre Chanzy
30 Avenue Chanzy, Angers
De 28 à 42 €
Réservations dans les points de vente habituels.

Par Emmanuel M.