L’exposition Étoffes du Nil, présentée jusqu’au 3 juillet dans le cadre des « Saisons des musées » se propose de montrer au public la rareté et la qualité de cette collection, notamment l’extraordinaire état de conservation des pièces qui la constituent. Il s’agit aussi d’apporter un éclairage nouveau à l’histoire de ces fragments après leur mise à jour par les archéologues et avant leur entrée au musée, c’est-à dire à l’histoire des regards qui les ont inventés et qui ont concouru au développement, à l’orée du XXe siècle, d’une véritable « coptomanie » en Europe.
Cette exposition-dossier participe, enfin, des recherches actuelles menées sur les objets conservés au musée Pincé (provisoirement fermé), dans le cadre de leur récolement décennal et dans la perspective de leur réévaluation et de leur nouvelle mise en valeur, notamment sous l’angle de l’histoire des collections.
Le terme « copte » dérive de l’arabe « qibt », luimême tirant son origine du grec « aeguptios », qui désigne les habitants de la vallée du Nil. Ainsi, les Coptes sont-ils d’abord, depuis les premiers siècles de l’Islam, les Égyptiens autochtones, et plus précisément les chrétiens d’Égypte – car lors des grandes conquêtes arabes, la majorité des Égyptiens étaient chrétiens. Cette acception dépasse pourtant, en histoire culturelle et en histoire de l’art, cette stricte signification religieuse et ethnologique. L’art copte n’est pas qu’un art de dévotion et il se développe avant le VIIe siècle, date des conquêtes arabes et de l’émergence du terme « copte ». Aujourd’hui, on considère l’art copte comme la période artistique correspondant au plein épanouissement de l’art chrétien en Égypte, du IVe au XIIIe siècle, c’est-à-dire de la fin de la période romaine à la période islamique, art influencé tout autant par les cultures anciennes que celles venues de l’extérieur.
À partir du IIIe siècle, l’abandon progressif de la momification (antique rituel de l’Égypte pharaonique) en raison de l’expansion des nouvelles croyances religieuses laisse place à la coutume d’enterrer les défunts vêtus de leurs plus beaux vêtements (plusieurs tuniques, parfois rapiécées et raccommodées, enfilées les unes sur les autres, châles et chaussures). L’univers sec et sans lumière, ainsi que la présence de salpêtre dans le sable, qu’offraient les conditions d’un enfouissement de ces textiles dans le désert, auront permis de préserver pendant des siècles, et dans un état exceptionnel, ces fragiles ensembles, composés de matières ailleurs périssables. Les chantiers menés aux XIXe et XXe siècles n’ont cependant pas toujours été conduits avec les précautions qui s’imposaient, aussi la chronologie de ces fragments de tissus n’est-elle pas aisée à établir.
Antinoé, dont provient la majorité des fragments qui seront exposés, est révélée par la pioche des archéologues au tournant des XIXe et XXe siècles. Son inventeur est sans conteste Albert Gayet, qui a fouillé à plusieurs reprises le site, orchestré expositions et spectaculaires reconstitutions et publié de nombreux articles pour diffuser la connaissance de son matériel.
Au cours du XXe siècle, ces étoffes du Nil, en raison des difficultés pour les appréhender et donc pour les apprécier, sont tombées dans une sorte de disgrâce. Études inédites et projets récents d’expositions ont contribué à une nouvelle redécouverte, pour le bonheur du grand public.