L’eau de 268 communes est contaminée par la présence de tritium selon l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest. Le Maine-et-Loire serait particulièrement touché.
L’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO) a publié cette semaine une carte de la contamination radioactive de l’eau potable en France métropolitaine. Selon l’association, l’analyse des données a permis de mettre en évidence que plus de 268 communes françaises sont concernées par la présence de tritium (l’hydrogène radioactif rejeté par les installations nucléaires) dans l’eau potable.
Près de 6,4 millions de personnes seraient alimentées par cette eau contaminée au tritium. Cependant, « aucune valeur ne dépasse le critère de qualité fixé à 100 Bq/L instauré par les autorités sanitaires », rappelle l’ACRO. De son côté, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande « une valeur guide de 10.000 Bq/L pour le tritium dans l’eau de boisson ».
Cependant, l’association indique « qu’en cas d’accident nucléaire grave avec rejet dans un cours d’eau, l’eau potable peut être contaminée. La présence régulière, dans l’eau du robinet, de tritium rejeté par les centrales nucléaires met en évidence un risque de contamination par d’autres polluants radioactifs à des niveaux beaucoup plus élevés ».
Au total, quatre zones avec « une présence régulière de tritium dans l’eau du robinet » ont été identifiées : le long de la Seine, le long de la Vienne et de la Loire, autour du centre du CEA de Valduc et de celui de Saclay.
Du tritium est détecté dans l’eau potable de toutes les communes s’alimentant dans la Loire ou dans les nappes sédimentaires du fleuve. De grandes agglomérations sont concernées comme Orléans, Blois, Tours, Nantes ou encore Angers.
« Dans le Maine-et-Loire, 72 communes présentent des valeurs significatives en tritium »
Selon l’ACRO, la seule usine de potabilisation de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) « distribue chaque année dans son eau potable à 10 Bq/L en moyenne, 1,3 TBq (térabecquerel) de tritium, soit 2,5 % des rejets de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine. Cette usine alimente 1,9 million d’habitants de 56 communes de la banlieue sud et ouest de Paris. »
« Dans le Maine-et-Loire, 72 communes (soit 40% des communes du département) présentent des valeurs significatives en tritium dans les données fournies par la Direction Générale de la Santé », indique l’association.
Interrogé par Le Canard enchaîné, EDF estime que les risques pour la santé sont nuls : « La quantité de tritium dans l’eau du robinet est 170 fois au-dessous de la valeur à ne pas dépasser fixée par l’OMS. »
« Pas sur un niveau de risque élevé »
La CRIIRAD, un laboratoire associatif travaillant sur le nucléaire, a dénoncé « la banalisation des contaminations en tritium » et « appelé à ne pas se laisser abuser par les comparaisons avec la référence de qualité de 100 Bq/L et, plus encore, avec la limite dite sanitaire de 10 000 Bq/L ».
« Les autorités acceptent, pour les polluants radioactifs, des niveaux de risque cancérigène plus de 100 fois supérieurs au maximum toléré pour les cancérigènes chimiques ! La limite applicable à une contamination durable par le tritium ne devrait pas dépasser 10 à 30 Bq/L », estime la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD).
Interrogée par 20 Minutes, Corinne Castanier, de la CRIIRAD, rappelle que « le tritium est cancérigène et mutagène. On n’est pas sur un niveau de risque élevé. Et si on boit de l’eau avec du tritium seulement quelque temps, cela ne pose pas de problème. »
« Le tritium est un lanceur d’alerte »
L’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO) demande à ce que les rejets radioactifs soient soumis au principe de pollueur-payer. Selon elle, « le tritium est un lanceur d’alerte. En cas d’accident grave sur une des centrales nucléaires sur la Seine, la Vienne ou la Loire, il n’y aura pas que le tritium rejeté et ce sont des millions de personnes qui risquent d’être privées d’eau potable. Comment les autorités vont-elles faire pour assurer les besoins vitaux de ces personnes ? Aucun plan n’est disponible pour le moment. »
L’ACRO demande que la pollution radioactive soit prise en compte dans les plans « ORSEC eau potable » qui doivent être établis pour le 31 décembre 2020 au plus tard et qu’ils fassent l’objet d’une consultation du public.
La fréquence des contrôles des eaux de consommation par les Agences Régionales de Santé dépend du volume d’eau distribué. Ainsi, pour les petites communes, il n’y a qu’une mesure de tritium tous les cinq ans. L’ACRO « demande que les mesures soient plus fréquentes quand des polluants sont détectés, avec au minimum une mesure par an, quel que soit le nombre de personnes desservies. »