Désobéissance civile : pourquoi choisissent-ils ce mode d’action ?
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Désobéissance civile : pourquoi choisissent-ils ce mode d’action ?

Samedi 9 décembre, la « Manif’Action », organisée par les Soulèvements de la Terre 49 a réuni plus d’une centaine de personnes. Un appel international avait été lancé par le mouvement pour dénoncer la société de béton Lafarge-Holcim et « le monde du béton ».

Les militants écologistes se sont réunis devant la centrale à béton de Lafarge, à Saint-Barthélemy-d’Anjou – © Radio Campus Angers

« Dans le Maine-et-Loire, il y a une forme de désobéissance joyeuse ! Même si on était sous la pluie samedi… », reconnaît Barnabé*, jeune militant écologiste aux Soulèvements de la Terre. Chants, slogans, dessins… « On a pu exprimer nos messages », se réjouit l’activiste.

Deux actions ont eu lieu dans le Maine-et-Loire. Un rassemblement devant la centrale à béton de Saint-Barthélemy-d’Anjou. Et un autre, à Chemillé. « On a construit un mur en terre-paille  devant la grille de Lafarge », raconte Barnabé*. Deux manifestations non déclarées aux autorités.

« On doit être au clair sur nos arguments, sinon on est pris pour des rigolos »

Stéphane*, membre de Justice Climatique Angers, était aussi de la partie. Selon lui, pour être pris au sérieux, les actes de désobéissance civile doivent s’appuyer sur un travail d’expertise : « On doit être au clair sur nos arguments, sinon on est pris pour des rigolos ». Sur la question des zones humides, Justice climatique Angers travaille avec France nature environnement. 

Ces dernières années, l’émergence de nouveaux collectifs écologistes, comme Extinction Rébellion ou les Soulèvements de la Terre, a insufflé un nouveau souffle à la désobéissance civile. 

Mais ces modes d’action ne datent pas d’hier. En 1849, le penseur américain Henry David Thoreau élabore une pensée basée sur sa propre expérience de désobéissance civile. Il refuse de payer ses impôts locaux pour protester contre la politique esclavagiste et belliciste de son pays. « Pour H. D. Thoreau, le gouvernement ne peut pas légiférer la moralité dans la loi. C’est de la responsabilité de l’homme de corriger le malheur dans le monde », détaille Brad Safarik, maître de conférences à l’Université Catholique de l’Ouest et chercheur en sciences politiques. Seuls les actes comptent, « peu importe leur taille ou leur ampleur ». Pour l’auteur, il faut distinguer la loi et le bien, le droit et la morale.

Un concept qui fait sens pour Wissam Mahlaoui, avocat au barreau d’Angers : « Le droit et la morale sont incompatibles. Quand on applique la loi, on ne doit pas se soucier de la morale. Il revient aux individus de dire ce qu’il ne leur convient plus. » Le juriste ajoute : « le risque c’est de se retrouver face à une loi qu’on ne comprend plus, qui est désuète et qui ne s’applique plus à nos modes de vie. » Selon lui, c’est la raison pour laquelle une frange de la population s’insurge pacifiquement.

Les activistes ont également déplacé un bloc rocheux de 600 kg devant l’entrée du site Lafarge, à Chemillé – © Radio Campus Angers

La désobéissance civile, un mode d’action en perpétuelle construction

Pour autant, les limites de ce mode d’action sont pointées du doigt par les militants eux-mêmes. La principale réside dans le caractère « très clivant » de la désobéissance civile, admet Barnabé*. 

Les militants réclament plus d’échanges et de partage d’idées entre citoyens : « On ne comprend pas totalement certains enjeux sociaux. Ça permettrait d’échanger des infos, des connaissances. » Ils avancent aussi une autre piste, celle de la démocratie participative, avec plus de conventions citoyennes, par exemple. 

La désobéissance civile peut faire peur. Pour Wissam Mahlaoui : « La plupart des gens veulent conserver une part de neutralité et une partie de leurs acquis sociaux. C’est un sentiment naturel chez l’être humain », estime-t-il.

Pour la suite, la motivation des militants angevins semble rester intacte. Ils dénoncent d’autres projets dans le territoire. Celui de la Nouvelle Océane notamment, à Verrières-en-Anjou. « 125 hectares sont menacés, dont 20 hectares de zones humides », tient à signaler Stéphane*, militant à Justice climatique Angers. En juillet 2023, plus de 400 personnes s’y étaient réunies pour s’opposer à ce projet de parc d’activités et faire réagir la métropole angevine.  

* Les prénoms ont été modifiés.

Par Elisa Dutertre. Article réalisé en partenariat avec Radio Campus Angers.

Écoutez le podcast « Désobéissance civile : quand l’éthique passe avant la loi », de l’émission GIEC 27, sur Radio Campus Angers.