La chloroquine et son dérivé l’hydroxychloroquine sont au cœur de l’actualité depuis que le Pr Didier Raoult l’utilise pour traiter les patients atteints du Covid-19. Le CHU d’Angers, en collaboration avec 32 autres hôpitaux français, va lancer dès demain une étude de grande ampleur dont les résultats sont attendus d’ici quelques semaines.
Depuis quelques semaines, le professeur Didier Raoult, grand partisan de l’utilisation de l’hydroxychloroquine pour soigner les patients atteints de Covid-19, divise la communauté scientifique et la classe politique.
Le CHU d’Angers va lancer dès ce mercredi 1 avril une vaste étude sur 1 300 patients en collaboration avec 32 hôpitaux français. Cette étude baptisée « Hycovid », portée par le Professeur Vincent Dubée, spécialiste des maladies infectieuses au CHU d’Angers, a pour objectif de savoir si l’hydroxychloroquine a un impact chez les patients touchés par le Covid-19. Selon l’établissement de santé angevin qui tenait une conférence de presse à la mi-journée, cette étude doit « répondre avec certitude et neutralité » à l’utilité d’utiliser cette molécule pour traiter les dizaines de milliers de patients touchés par le virus à travers le monde.
« Les résultats de l’essai clinique sur l’hydroxychloroquine de l’équipe du Professeur Raoult ont généré beaucoup d’espoirs. Les résultats de cette étude ont soulevé également des interrogations légitimes quant à leur pertinence clinique et l’innocuité du médicament. L’étude Hycovid permettra de répondre de manière définitive à ses questions et clore une fois pour toute le débat de l’efficacité de l’hydroxychloroquine pour traiter le Covid-19 », a expliqué le Professeur Vincent Dubée.
Le spécialiste a rappelé que cette étude était « le fruit d’un investissement intense de nombreux médecins et chercheurs ». L’étude Hycovid répond « aux standards scientifiques élevés et réalisée dans des conditions qui ne laisseront pas de place au doute », a-t-il précisé.
Un réseau de 33 centres en France
Pour mener à bien cette vaste étude unique en France, le CHU d’Angers va travailler avec 32 établissements dont 14 CHU, 17 hôpitaux non-universitaires et un établissement privé. Grâce à cette mobilisation « cette étude sera menée en seulement quelques semaines », a annoncé Vincent Dubée.
« La mise en place d’une telle étude met généralement entre six mois et un an. Il n’a fallu qu’une quinzaine de jours pour nous organiser », a expliqué le professeur Alain Mercat, président de la commission médicale d’établissement et chef de service en réanimation à l’hôpital d’Angers.
« On part du principe qu’un placebo ou que l’hydroxychloroquine, c’est la même chose. On n’a pas la preuve que ça change quelque chose sur le patient. Aujourd’hui, aucun élément ne prouve que l’hydroxychloroquine permet de diminuer la mortalité ou la fréquence de la nécessité de recourir à ventilation artificielle. »
1 300 patients volontaires
Cette étude va inclure 1 300 patients volontaires atteints d’une forme non grave de la maladie mais à risque élevé d’évolution défavorable. Le protocole mis en place est celui d’un essai en double aveugle avec 650 patients qui recevront l’hydroxychloroquine et 650 un placebo. Ni le patient, ni le médecin en charge du suivi ne saura quel traitement est utilisé.
« Chaque patient donnera son consentement et nous lui expliquerons le fonctionnement de l’étude. Ça sera tout à fait transparent », a rappelé Alain Mercat.
Les patients, considérés comme étant « à risque », auront une moyenne d’âge de 75 ans. Ils seront soumis à une surveillance médicale « pas trop lourde ni contraignante permettant de desceller rapidement d’éventuels effets secondaires ».
Une étude plus complète que l’essai clinique Discovery
L’Union européenne a lancé il y a une dizaine de jours un grand essai clinique baptisé « Discovery ». Il a pour principal objectif de comparer la prise en charge « classique » des patients souffrant du Covid-19 à quatre autres approches thérapeutiques pour en déterminer la plus efficace. Contrairement à l’étude initiée par le CHU d’Angers, l’étude est ouverte. En d’autres termes, les patients et les médecins savent quel traitement a été donné.
« Dans notre étude, nous allons inclure des patients qui n’ont pas besoin d’oxygène, ce qui n’est pas le cas de l’essai clinique Discovery. On peut espérer de traiter les malades plus tôt et avoir un effet plus rapide », a souligné Vincent Dubée
Une étude de plusieurs semaines
L’étude va démarrer ce mercredi 1er avril. Les résultats seront connus « dans quelques semaines » ont estimé les médecins angevins.
Alain Mercat s’est dit « convaincu que grâce à cet essai, nous pourrons apporter une réponse sur le bénéfice ou non de ce traitement dans un délai de quelques semaines afin que cela puisse bénéficier aux futurs patients qui souffriraient de forme sévère. »
« Dès qu’on aura une preuve solide de l’efficacité du traitement nous arrêterons l’étude. Si l’effet est très important, les résultats pourront arriver rapidement. Si à 1 300 malades nous n’avons pas pu montrer de différence, nous arrêterons l’étude », a-t-il précisé.
La directrice du CHU d’Angers, Cécile Jaglin-Grimonprez, a indiqué que le coût de cette étude était de 850 000 €, financé pour le moment entièrement par le CHU d’Angers. Un appel aux dons a été lancé par la directrice à destination des entreprises et mécènes.