La pandémie de Covid-19 a bousculé les habitudes des salariés et des entreprises. A Angers, comme un peu partout à travers la planète, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à tester la semaine de quatre jours.
Travailler moins pour vivre mieux. Tel pourrait être le nouveau slogan depuis la crise sanitaire, où un nombre croissant d’entreprises en France et dans le monde testent la suppression d’un jour de travail dans la semaine. A la clé, les entreprises revendiquent plus de bien-être et d’efficacité de la part du salarié.
Une tendance mondiale
« Les personnes qui le souhaitent pourront travailler plus d’heures par jour en échange d’un jour de congé supplémentaire pendant la semaine. Ainsi, elles pourront effectuer un travail à temps plein en quatre jours », a annoncé Alexander De Croo, Premier ministre belge, le 15 février dernier.
Cette déclaration du chef du gouvernement belge marque une tendance en faveur d’un changement de mode de travail suite à la crise sanitaire. L’idée de passer à la semaine de quatre jours mûrit de plus en plus au sein des gouvernements et des entreprises européennes et mondiales.
Au Royaume Uni, de juin à décembre 2022, plus de 3 000 employés issus de 60 entreprises venant de secteurs variés tels que la restauration ou l’industrie pharmaceutique ne travailleront plus que quatre jours par semaine tout en gagnant le même salaire.
En Espagne, 200 entreprises volontaires testent pour une durée de trois ans la semaine de quatre jours, soit 32 heures, payées 40.
Hors Europe, l’idée de la semaine de quatre jours est abordée en Arabie saoudite, en Nouvelle-Zélande et au Japon.
Auparavant, entre 2015 et 2019, l’Islande a mené une expérience similaire auprès de 2 500 salariés en réduisant leur temps de travail à trente-cinq heures hebdomadaires sur quatre jours, à salaire égal. A l’heure du bilan, certains salariés n’ont pas réussi à s’adapter à ce changement de rythme. La réduction du temps de travail ne permettait pas à certains islandais d’effectuer leurs tâches avec un temps de travail moindre.
Des entreprises angevines l’adoptent
A Angers, quelques entreprises se sont laissées séduire par cette évolution du rythme de travail.
Le garage Bruno Fournier, ouvert depuis 2002, a décidé de passer à la semaine de quatre jours le 1er octobre 2020. D’abord testé sur six mois, le garage situé aux Ponts-de-Cé a rapidement adopté ces nouveaux horaires.
Inspirés par une expérimentation menée en Nouvelle Zélande, Anne et Bruno Fournier, les propriétaires, ont alors proposé cette réorganisation du temps de travail à leurs salariés qui travaillent 39h par semaine. Ici, les employés sont majoritairement des jeunes parents de moins de 35 ans. « Cela leur permet d’avoir une journée supplémentaire à consacrer à leurs enfants », explique Anne Fournier, co-gérante du garage.
La crainte d’une perte de productivité ou de surcharge de travail s’est vite dissipée. « En mécanique, on a parfois des travaux qui durent plusieurs heures. Je craignais qu’on perde en efficacité, mais on s’aperçoit que c’est l’inverse, car on peut faire un grand chantier de cinq heures sur un même après-midi plutôt qu’il soit coupé sur deux jours », ajoute Anne Fournier.
Pour rassurer les clients qui pourraient craindre de laisser leur voiture un jeudi soir et de ne pouvoir la récupérer que le lundi, une flotte de véhicules de prêt est mise à disposition. Ces nouveaux horaires leur ont même permis de viser une nouvelle clientèle disponible pendant la pause du midi. Depuis cette nouvelle organisation, les gérants ont même vu leur chiffre d’affaires nettement augmenter.
Une solution pour la restauration ?
Dans un tout autre secteur, le restaurant Made, situé rue Saint Laud à Angers, dévie du schéma habituel de la restauration. Ouvert il y a cinq ans, le restaurant, déjà passé à la journée continue il y a un an, a opté pour la semaine de quatre jours en avril dernier. « Pour accentuer le confort au travail de nos salariés, nous sommes passés à la semaine de quatre jours », explique Fanny Dubus, co-gérante de l’entreprise avec son compagnon, Jonathan Pares. L’entreprise souhaite poursuivre son expérimentation en appliquant ce nouveau fonctionnement à son deuxième restaurant situé à l’Atoll.
Les salariés travaillent toujours 35h, mais ont vu leurs horaires passer de 10h à 19h sur quatre jours. « Les salariés préfèrent travailler deux heures de plus par jour et avoir un jour de repos supplémentaire », déclare la fondatrice de Made.
Si le secteur de la restauration a du mal à recruter, ce n’est pas le cas pour Made. « Ce changement d’organisation nous aide à attirer de nouveaux employés car quand nous postons une annonce nous pouvons recevoir plus d’une soixantaine de candidatures en moins d’une semaine », ajoute Fanny Dubus.
L’écologie comme moteur
L’agence de communication MorganView située à Beaucouzé a également décidé de passer à la semaine de quatre jours. Si le Covid et ses confinements a été l’élément déclencheur, Morgan Bariller et Philippe View, les gérants de cette entreprise de 35 salariés, dont 12 à Nantes, avaient déjà cette idée en tête depuis longtemps.
« Le monde du travail change considérablement. Notre métier de communicant doit également évoluer. Le rapport au travail n’est désormais plus le même, notamment chez les jeunes générations », note Morgan Bariller.
Derrière cette nouvelle organisation, couplée au télétravail, l’entreprise entend aussi avoir un impact sur l’environnement. « Les salariés utilisent moins leur voiture et nous utilisons moins le chauffage et l’électricité pour nos locaux », poursuit le chef d’entreprise. Du côté des déplacements, l’entreprise estime que 350 000 kilomètres ont été économisés sur une année.
Chez MorganView, où les salariés ne travaillent plus le lundi, pas de baisse de salaire ni d’augmentation du temps de travail. Les salariés effectuent 28 heures payées 35 heures. « La loi ne permet pas en France de faire ce type de contrat. Nous avons conservé des contrats de 35 heures et offert une journée de congés à nos salariés », poursuit Morgan Bariller.
Depuis sa mise en place en septembre 2020, cette nouvelle organisation convient visiblement aux salariés de l’entreprise angevine. « Au début il y a eu des craintes sur leur capacité à gérer leur temps de travail. Il a été nécessaire d’échanger, de tester, et finalement ça fonctionne. »
Création d’une charte
L’agence de communication veut aller plus loin dans sa démarche en créant, à la rentrée prochaine, une charte qui permettrait à d’autres entreprises d’adhérer à ce type d’organisation.
Des Français prêts à sauter le pas
En France, une étude menée par ADP, spécialiste des ressources humaines et de la gestion de la paie, souligne que les salariés ont pris goût aux flexibilités expérimentées lors de la crise du Covid-19.
Au total, 64 % des salariés français voudraient profiter de davantage de flexibilité dans l’organisation de leurs horaires de travail, avec la possibilité de les concentrer sur quatre jours.
Les opinions majoritairement favorables viennent d’une population entre 25 et 44 ans, de parents, ainsi que des salariés des secteurs de l’hôtellerie et du tourisme, de l’industrie, des médias et de l’information.
Pour 57 % d’entre eux, ils accepteraient que leur salaire soit baissé en échange d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
Selon cette même étude, seules 5 % des entreprises françaises ont adopté la semaine de quatre jours et 19 % ont mis en place une politique de travail flexible.