A l’approche d’une nouvelle rentrée scolaire, la recherche de logements pour les étudiants devient un réel parcours du combattant à Angers. Prix élevés, demandes en hausse, manque de logements, accroissement du nombre d’étudiants… Les problèmes sont multiples et les solutions se font rares.
S’il était d’usage de chercher son logement durant les mois de juillet et août pour la rentrée, les étudiants se trouvent aujourd’hui dépourvus tant les locations tendent à manquer sur l’agglomération d’Angers.
Preuve de cette tension immobilière, le baromètre de la plateforme LocService montre qu’Angers est la ville en France où la demande de logements étudiants est la plus forte avec un total de 4,49 demandes pour une offre.
Une tension qui perdure
Angers est, depuis quelques années déjà, l’une des villes les plus attractives de France, notamment pour sa qualité de vie. Cependant, ce charme ne fait pas les affaires des étudiants. Depuis presque cinq ans déjà, la situation s’est fortement détériorée pour les jeunes cherchant un logement à Angers.
Cette détérioration s’explique avant tout par un accroissement du nombre d’étudiants. A la rentrée 2017-2018, Angers accueillait 39 097 étudiants. Pour l’année 2019-2020, il y avait en tout 42 808 étudiants.
« La ville d’Angers attire de nombreux étudiants, mais cette hausse ne s’est pas accompagnée par une augmentation des places dans les infrastructures adaptées. Les capacités d’accueil du CROUS ont stagné pendant cette période pour arriver à 2 340 lits, ce qui correspond à seulement 5 % des étudiants, explique Pasa Akin, étudiant et président de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF). En cinq ans, la construction d’une seule résidence étudiante publique est prévue alors que le nombre d’étudiants a augmenté de l’ordre de 4 000 étudiants. Celle-ci ouvrira pour la rentrée 2022 avec 184 logements ».
Le constat est partagé par les professionnels de l’immobilier angevin : « La tension immobilière s’explique par un manque de construction de logements et l’augmentation du nombre d’étudiants, notamment avec la création de nouvelles écoles », déclare Laurent Bouly, gérant de Nestenn Immobilier.
Cette pénurie n’est pourtant pas récente et perdure dans le temps. Les élus de l’opposition en ont fait le constat, dénonçant « le déni de la municipalité ». « Fin 2018, le problème apparaissait. Pour les élus, il n’y avait pas de problème de logement car tous les étudiants étaient logés en octobre ou en novembre. Cependant, ils n’ont pas anticipé qu’il y en aurait pour les années à suivre », explique Bruno Goua, élu d’Aimer Angers.
Des prix croissants
Si l’augmentation du nombre d’étudiants et la baisse de logements sont corollaires, la hausse des loyers est aussi une conséquence directe de la crise immobilière angevine. Angers, qui était considérée comme une ville abordable, voit ses prix grimper en flèche.
« Cette situation se répercute sur les prix. On voit des chambres qui se louent jusqu’à 500 € », poursuit Laurent Bouly.
Pour Katia Couvreur, présidente de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) Anjou Maine, le constat est le même : « Les colocations deviennent plus chères qu’un loyer classique. Les investisseurs cherchent des T3 ou T4 pour faire des appartements et louer les chambres à plus de 500 € ».
En effet, de nombreux investisseurs et propriétaires tendent à retirer des habitations du marché, créant une tension supplémentaire. « Beaucoup de propriétaires achètent des maisons pour en faire des colocations, ce sont autant de logements qui sortent du marché des ménages angevins », alerte Bruno Goua.
Que ce soit dans les agences immobilières ou au sein des résidences étudiantes, les loyers pèsent dans le portefeuille des étudiants. « Roch Brancour, l’adjoint à l’urbanisme, a évoqué récemment dans la presse que des logements étudiants allaient être bientôt livrés. Mais seulement un tiers seront publics avec des loyers modérés de 350 €. Les autres atteindront les 500 € de loyers mensuels », énonce Pasa Akin.
Une rentrée difficile
Pour cette rentrée 2022, le problème demeure. A la suite des résultats de Parcoursup, les logements étudiants se louent à toute vitesse. Fin juillet, peu d’appartements sont encore disponibles.
« Avant, les étudiants visitaient les logements en juin et ne payaient pas les mois de juillet et d’août. Maintenant, il ne faut plus faire ça. Il n’y a plus de logements rendus durant l’été. Les appartements sont loués dès le mois de mai, avant même les résultats du bac, ajoute Laurent Bouly. A l’heure actuelle, c’est au compte-gouttes que l’on reçoit les annonces de nouveaux logements ».
Le bilan est similaire pour tous les agents immobiliers situés sur l’agglomération d’Angers. « Cette année, la pénurie est arrivée beaucoup plus tôt. Les parents ont beaucoup plus anticipé que les années précédentes. Il y a toujours autant de demandes, mais nous n’arrivons pas à satisfaire tout le monde. Dès le mois de mai, il n’y a presque plus d’appartements à louer », indique Katia Couvreur.
Un avenir compliqué
Pour Laurent Bouly, la solution est simple : « Il faut construire des logements. Il ne peut y avoir d’autres solutions que celle-ci ». Cependant, d’autres problèmes risquent d’aggraver une situation déjà complexe. « D’autres logements vont sortir du circuit locatif avec le changement de calcul du diagnostic de performance énergétique. Bientôt, des appartements ne pourront plus être loués, car ils devront subir des travaux d’isolation parfois impossibles à faire. On risque de se retrouver avec encore moins de logements sur le marché », ajoute-t-il.
Le problème est également ressenti chez ses confrères. « La solution serait de construire des logements, mais il est possible qu’à terme, des bailleurs se retrouvent avec des habitations vides. De plus, il risque d’y avoir à l’avenir le problème des passoires énergétiques. Depuis le 1er juillet on ne peut pas augmenter les loyers de ces logements et à partir du 1er janvier, nous ne pourrons plus les louer », annonce Katia Couvreur.
Pour désengorger la situation, une autre option a été proposée par l’opposition. « Nous avions proposé, en octobre 2021, de classer Angers comme zone immobilière tendue, ce qui permettrait d’agir sur les logements vacants, de bloquer la hausse des loyers et de limiter les résidences secondaires, notamment les Airbnb. La proposition a été refusée par la Ville. La municipalité pense que le problème va s’autoréguler, ce qui n’est pas le cas », conclut Bruno Goua.
Par Eline Vion.